
Bashô est
lune des figures majeures
de la poésie classique
japonaise. Par la force
de son œuvre, il
a imposé dans
sa forme lart
du haïku,
mais il en a surtout
défini
la manière,
lesprit :
légèreté (karuki),
recherche de la
simplicité et
du détachement
vont de pair avec
une extrême
attention à la
nature. Le haïku
naît
donc au bord
du vide, de
cette intuition
soudaine, qui
illumine le
poème,
cest
linstant
révélé dans
sa pureté.
La
vie de ce fils de samourai,
né près de
Kyoto en 1644, fut exclusivement
voué à la poésie. Âgé de
treize ans, il apprend auprès
dun maître du
haïkaï les premiers
rudiments de ce genre. Plus
tard, après avoir
lui-même fondé une école
et connu le succès à Edo
(lactuelle Tokyo),
il renonce à la vie
mondaine, prend lhabit
de moine, et sinstalle
dans son premier ermitage.
Devant sa retraite, il plante
un bananier, un bashô,
offert par lun de ses
disciples - ce qui lui vaudra
son pseudonyme. Sa vie est
dès lors faite de
pauvreté, damitiés
littéraires et de
voyages. Osaka sera le dernier.
Après avoir dicté un
ultime haïkuà ses
disciples éplorés,
il cesse de salimenter,
brûle de lencens,
dicte son testament, demande à ses élèves
décrire des
vers pour lui et de le laisser
seul. Il meurt le 28 novembre
1694. Sur sa tombe, on plante
un bashô.
Traductions en français :
- Cent onze haïku
de Bashô, traduction de Joan
Titus-Carmel (Verdier
2002).
- Avec Bashô, sur le chemin étroit du nord
profond Trad. Manda (Atelier Manda 2004).
- Bashô, carnets de voyage, Trad. Manda (Atelier
Manda 2004).
- Bashô et son école Haïkaï, Trad. René Sieffert (Textuel 2004).
- Bashô Seigneur ermite.
L'intégrale des haïkus, traduit par Makoto Kemmoku et Dominique Chipot (La Table ronde, 2012).
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元日や
思へば淋し
秋の暮 |
premier
jour de lAn-
je pense à la solitude
des soirées dautomne |
ganjitsu
ya
omoeba sabishi
aki no kure |
何の木の
花とはしらず
匂い哉 |
les
fleurs de quel arbre-
impossible de savoir
mais un tel parfum ! |
nan
no ki no
hana towa shirazu
nioi kana |
|
au
milieu du champ
et libre de toute chose
l’alouette chante |
haranaka
ya
mono nimotsukazu
naku hibari |
|
mon
père et ma mère
sans cesse je pense à eux
le cri du faisan |
chichi-hahano
shikiri ni koishi
kiji no koe |
|
un
vieil étang
une grenouille plonge
le bruit de l’eau |
furu
ike ya
kawazu tobikomu
mizu no oto |
起きよ起きよ
我が友にせん
寝る胡蝶 |
réveille-toi,
réveille-toi
et deviens mon compagnon
papillon qui dort |
oki
yo oki yo
waga tomo ni sen
neru kochô |
|
avec
chaque souffle
le papillon se déplace
sur le saule ! |
fuku
tabi ni
chô no inaoru
yanagi kana |
|
Au
cours de sa chute
elle a déversé son eau
fleur de la camélia |
ochizama
ni
mizu koboshikeri
hana tsubaki |
|
la
cloche se tait
parfum de fleur en écho
ah ! quelle soirée |
kane
kiete
hana no ka wa tsuku
yûbe kana |
|
tant
et tant de choses
me reviennent à l'esprit
fleurs de cerisiers ! |
samazama
no
koto omoidasu
sakura kana |
五月雨に
鶴の足
みじかなれり |
dans
les pluies de mai
les pattes de cette grue
se sont raccourcies ! |
samidare
ni
tsuru no ashi
mijika nareri |
|
le
printemps s'en va
pleurs des oiseaux et poissons
les larmes aux yeux |
yuku
haru ya
tori naki uo no
me wa namida |
稲妻に
さとらぬ人の
とうととさよ |
devant
un éclair
lhomme qui ne comprend pas
est bien admirable ! |
inazuma
ni
satoranu hito no
tôtosa yo |
時鳥
なきなきとぶぞ
忙しき |
Ah
! le coucou
il chante il chante et il vole
toujours occupé |
hototogisu
naki naki tobuzo
isogashiki |
閑さや
岩にしみ入る
蝉の声 |
Ah
! tranquillité —
et jusqu'au fond des rochers
le chant des cigales |
shizukasa
ya
iwa ni shimiiru
semi no koe |
須磨寺や
ふかぬ笛きく
木下やみ |
temple
de Suma
jentends la flûte qui s'est tue
dans lombre des arbres |
sumadera
ya
fukanu fue kiku
koshitayami |
この秋は
何で年よる
雲に鳥 |
cet
automne-ci
pourquoi donc dois-je vieillir ?
oiseau dans les nuages |
kono
aki wa
nande toshiyoru
kumo ni tori |
秋深き
隣は何を
する人ぞ |
Lautomne
profond —
quant à mon voisin, que fait
donc cet homme au juste ? |
aki
fukaki
tonari wa nani o
suru hito zo |
此の道や
行く人なしに
秋のくれ |
ce
chemin-ci
n'est emprunté par personne
ce soir d'automne |
kono
michi ya
yuku hito nashi ni
aki no kure |
白つゆに
淋しき味を
忘れるるな |
la
rosée blanche
sa saveur solitaire
ne loublie jamais ! |
shiratsuyu
ni
sabishiki aji o
wasururu na |
朝顔や
これもまた我が
友ならず |
ah
! belle-de-jour
qui non plus ne deviendra
jamais mon amie |
asagao
ya
kore mo mata waga
tomo narazu |
さびしさを
問てくれぬか
桐一葉 |
cette
solitude
viendrais-tu la partager ?
feuille de paulownia |
sabishisa
o
tôte kurenu ka
kiri hitoha |
旅人と
我が名呼ばれむ
初時雨 |
voyageur
ainsi m'appellera-t-on —
première bruine |
tabibito
to
waga na yobaremu
hatsushigure |
君火をたけ
よき物見せん
雪丸げ |
ami,
allume le feu
je vais te montrer quelque chose —
une boule de neige ! |
kimi
hi o take
yoki mono misen
yukimaruge |
冬枯や
世は一色に
風の音 |
désolation
hivernale
dans le monde monochrome
le bruit du vent |
fuyugare
ya
yo wa hito iro ni
kaze no oto |
住つかぬ
旅のこ々ろや
置炬燵 |
fixé nulle
part
et mon cœur errant aussi —
kotatsu mobile ! |
sumitsukanu
tabi no kokoro ya
okigotatsu |
冬籠り
またよりそはん
此はしら |
reclus
pour l’hiver-
je me blottirai encore
contre ce poteau ! |
fuyugomori
mata yori sowan
kono hashira |
はつしぐれ
猿も小みのを
ほしげなり |
la
première pluie-
le singe aussi a envie
d’un petit manteau |
hatsushigure
saru mo komino o
hoshigenari |
瓶おるる
夜の氷の
ねざめかな |
ma
cruche éclatant
c’est le gel de la nuit qui
m’a réveillé ! |
kame
oruru
yoru no kôri no
nezame kana |
旅に病んで
夢は枯野を
かけめぐる |
malade
en voyage
mes rêves parcourent seuls
les champs désolés |
tabi
ni yande
yume wa kareno o
kake meguru |
初秋や
海も青田も
一みどり |
début
de l’automne
la mer et les champs
du même vert |
shoshû ya
umi mo aota mo
ichi midori |
春雨や
蓑吹き返す
川柳 |
ô pluie
du printemps !
un saule caresse
ma cape de voyageur... |
haru
same ya
mino fuki kaesu
kawa yanagi |
馬に寝て
残夢月遠し
茶のけぶり |
à cheval
assoupi
lune lointaine
la fumée du thé |
umani
nete
nokosu yume tsuki toshi
cha no keburi |
石山の
石より白し
秋の風 |
le
vent d'automne
plus blanc que les pierres
de la colline rocheuse |
ishiyama
no
ishiyori shiroshi
aki no kaze |
鷺の足
雉脛長く
継添て |
on
rallonge
une patte de laigrette
en y ajoutant celle du faisan |
sagi
no hashi
kiji sune nagaku
tsugihagi soote
|